Qui est Claude Galien ? – Episode 3

Episode 3 : l’homme d’une œuvre.

Lorsqu’il revient à Rome en 169, pour son second séjour, Galien constate qu’un grand nombre de ses écrits a fait l’objet de plagiats ou bien que des confrères s’en sont attribués la paternité et le mérite.

Il s’emploie à les réécrire et à se les réapproprier en même temps qu’il engage la rédaction de plusieurs traités majeurs destinés à faire autorité pendant tout le Moyen-âge.

De fait l’œuvre de Galien est véritablement « encyclopédique » – au sens propre : en elle s’articule la somme des connaissances médicales disponibles à l’époque. Galien sait tout de ce qu’il y a alors à savoir en matière de santé : il écrit sur l’anatomie, la physiologie, la pharmacologie, l’hygiène … Il prolonge et développe la science d’Hippocrate. Et son travail est si riche qu’il doit se résoudre à dresser le catalogue raisonné de tous ses ouvrages, accompagné d’un guide de lecture, une sorte de « mode d’emploi ». Au total plus de 500 traités dont à peine le quart nous est parvenu. C’est une œuvre qui n’a cessé d’influencer le monde méditerranéen, chrétien et musulman pendant plus de 1500 ans.

Sur le plan de la méthode scientifique Galien s’est efforcé d’équilibrer la raison par l’expérience, ses « deux jambes ». Mais surtout il adosse son travail de savant à une réflexion philosophique qu’il n’a jamais abandonné au cours de son existence. Galien est profondément marqué par la pensée finaliste d’Aristote. Rien de ce qui se trouve dans la Nature n’est inutile ou vain. Ce qui définit ainsi une réalité c’est sa finalité, une finalité que lui assigne la puissance d’un principe divin unique créateur de toute chose.

Cette conception qui sous- tend tous les travaux scientifiques de Claude Galien convient parfaitement au monothéisme chrétien, comme au monothéisme musulman, aux autorités religieuses de part et d’autre de la méditerranée, ce qui explique assurément la pérennité des enseignements de Galien jusqu’à la Renaissance. Au XVIème siècle l’histoire de la médecine en Europe adopte une autre direction.

Il n’en reste pas moins que Galien demeure avec Hippocrate le fondateur de la médecine occidentale.

Qui est Claude Galien ? – Episode 2

Episode 2 : le médecin des gladiateurs et le thérapeute des empereurs.

De retour de son long séjour en Egypte, Galien est désigné pour soigner les gladiateurs de Pergame. Il s’agit d’ailleurs effectivement d’une tâche de soigneur plutôt qu’un emploi de chirurgien. En effet les gladiateurs combattent rarement à mort dans l’arène, contrairement à un certain nombre d’idées reçues et de clichés. 

La « valeur marchande » d’un gladiateur est extrêmement élevée et les « lanistes » ceux qui géraient les casernes de gladiateurs faisaient très attention à ne pas exposer inutilement leurs champions. Il s’agissait donc pour Galien de panser les blessures, de les désinfecter mais aussi et surtout d’établir pour les combattants un régime alimentaire apte à les maintenir en forme, un protocole de soins visant à leur garantir une santé parfaite. Ce sera toujours moins la maladie ou la pathologie que les conditions de la bonne santé et du bien-être qui vont mobiliser toute l’attention de Claude Galien.

Si Galien ne répugne pas à cette fonction, celle-ci ne satisfait pas l’ambition du jeune médecin qui bientôt quitte Pergame et s’installe à Rome. La conquête de la capitale impériale est rapide : quatre années suffisent à Claude Galien pour développer une clientèle riche et nombreuse. Il devient le praticien de la bonne société romaine. La diversité de ses connaissances, son expérience pratique, la qualité de ses diagnostiques et les démonstrations publiques qu’il organise où il expose ses découvertes lui permettent d’acquérir une réputation flatteuse jusque dans les cercles du pouvoir impérial.

Mais il se fait aussi de nombreux ennemis. D’autant que le personnage manque pour le moins de prudence et de modestie ! Galien a de sa valeur intellectuelle et professionnelle une très haute estime, il dissimule mal le mépris que lui inspirent des confrères moins talentueux et souvent inaptes. Il est souvent intransigeant, peu conciliant, piètre diplomate et mauvais courtisan.

Est-ce sous la menace et la pression de puissantes inimitiés qu’il quitte précipitamment Rome en 166 ? Fuit-il l’épidémie de peste (antonine) qui touche la Capitale de l’Empire ?  En tous cas il rentre précipitamment à Pergame pour se consacrer à la rédaction de ses traités et à l’enseignement.

Un ordre Marc-Aurèle le rappelle à Rome. L’Empereur fait campagne contre les Germains, il confie la santé de son fils Commode à ce médecin grec dont son ami le philosophe Eudème lui a vanté les qualités quelques mois plus tôt. Un retour dans la capitale donc qui précède de peu celui de Marc-Aurèle vainqueur des sarmates et des marcomans. L’Empereur est victorieux mais malade. Ses médecins habituels ne parviennent pas à le soigner. Galien appelé à son tour identifie les violentes coliques qui torturent le souverain et prescrit un traitement adapté. Galien a désormais les faveurs de l’Empereur-philosophe, dont il devient même un familier. « L’empereur ne cessait de parler de moi, se vantera t’il plus tard, en disant que j’étais premier parmi les médecins et seul parmi les philosophes. » Le médecin des gladiateurs devient le thérapeute – littéralement en grec celui qui prend soin – des empereurs.  Il a pour fonction prestigieuse de composer la thériaque impériale, l’antidote contre tous les poisons conçue à l’origine par Mithridate. C’est une pâte molle et noirâtre constituée de plus de 70 ingrédients dont l’opium et la chair de vipère, tantôt diluée dans l’eau, tantôt appliquée en pommade sur une plaie ou une blessure.

Il sert successivement les trois empereurs Marc-Aurèle, Commode et Septime Sévère

Claude galien medecin

Qui est Claude Galien ? – Episode 1

Episode 1 : Les faveurs d’Asclépios

Pergame, l’année 129 après JC : naissance de Claude Galien, Klaudios Galênos en grec, Claudius Galenus en latin.

Pergame est un petit royaume grec, près de Smyrne dans l’actuelle Turquie. C’est un territoire intégré à l’Empire romain, qui devient rapidement un des centres culturels les plus importants du monde antique, à l’instar d’Athènes et d’Alexandrie.

Pergame est ainsi renommée pour sa Grande Bibliothèque, sa fabrique de parchemin … d’où l’origine du mot parchemin précisément : « pergamêné », peau de Pergame, parchemin… Et puis, Pergame, c’est aussi et c’est surtout le fameux sanctuaire d’Asclépios, le fils d’Apollon auquel le centaure Chiron enseigne – dit le mythe – l’art de guérir…Un sanctuaire où se rendent des quatre coins de l’Empire romain les plus grands médecins du temps.

Claude Galien appartient à une riche famille de propriétaires terriens de Pergame. Son père, Nicon, est un architecte et un mathématicien réputé. Il lui donne le goût pour la philosophie, l’initie à la sagesse des stoïciens et l’incite à entreprendre des études de médecine, en parallèle de sa formation philosophique.

 Galien découvre Aristote et Hippocrate.

A la mort de son père, le jeune homme décide – il a 19 ans – de quitter Pergame et de voyager pour parfaire ses connaissances et apprendre auprès des plus grands médecins orientaux : Il traverse la Grèce, se rend à Corinthe puis embarque pour Alexandrie où il séjourne quatre années.

En Egypte Galien se perfectionne dans sa connaissance de l’anatomie, il s’initie à ce que nous appelons aujourd’hui la pharmacologie où il excellera bientôt, Il apprend l’art de composer onguents et drogues.

En 157, il rentre à Pergame. Si les voyages ont assouvi momentanément son appétit de connaissance, ils n’ont pas su satisfaire son palais, ni son estomac ! Il se plaint souvent de la nourriture qu’il juge médiocre en Egypte. De son séjour à Alexandrie il rapporte une grande frustration culinaire. Et de retour à Pergame, il se met à dévorer plus que de raison tous les mets dont il raffolait dans sa jeunesse. Il se gave notamment de fruits jusqu’à l’indigestion et il finit même par souffrir de graves complications gastriques et intestinales.

Au plus fort de la crise, Asclépios lui apparaît en songe et lui délivre des conseils nécessaires à un prompt rétablissement, il lui révèle l’importance de l’alimentation dans le maintien de la bonne santé du corps…Il faut réfléchir à ce que l’on mange, en quelle quantité, ne jamais oublier que l’aliment est aussi un médicament. Pendant sa convalescence Galien prolonge et perfectionne une grande invention d’Hippocrate : la diététique. Il s’en fait une spécialité.